Cour du travail d'Anvers 12
septembre 2012
Faits
Le CPAS refuse un revenu d’intégration à
un couple âgé d’origine marocaine. Celui-ci vit pourtant dans des
conditions difficiles. Il a quatre enfants, dont deux sont encore à la
maison. Au moment de la demande, il ne possède aucun revenu; il emprunte
le montant du loyer et certaines factures ainsi que certains frais restent
impayés.
Le tribunal du travail annule la décision du CPAS ; celui-ci interjette
appel contre le jugement.
Décision
Comme le couple n’apporte pas la preuve
de sa disposition à travailler, il n’a pas droit à un revenu
d’intégration.
Motivation
Pour pouvoir bénéficier d’un revenu
d’intégration, il faut satisfaire à certaines conditions légales. Une
condition cruciale pour cela est la disposition à travailler.
Jugement en première instance
Pour le tribunal de première instance, cette condition est remplie.
L’évaluation doit se faire en fonction des possibilités concrètes et des
efforts de la personne, et non du résultat. Il s’agit plutôt de savoir si
la personne fait réellement de son mieux pour trouver un emploi, compte
tenu entre autres de son âge, de ses antécédents, de son état de santé,
etc.
Il est généralement admis que le fait de suivre des cours de néerlandais
constitue un élément essentiel de cette condition. Ce n’est cependant pas
suffisant en soi. Il faut aussi parvenir à certains résultats dans ce
domaine. Tant le mari que la femme suivent des cours de néerlandais. Le
mari ne semble pas avoir la capacité de maîtriser cette langue. Mais pour
le tribunal, ce n’est pas quelque chose qui peut lui être reproché.
Le tribunal estime que la disposition à travailler est démontrée.
Jugement en appel
La Cour du travail suit une autre argumentation. Elle précise tout d’abord
que la condition de la disposition à travailler s’applique aux deux
conjoints s’ils veulent prétendre à l’obtention d’un revenu d’intégration
pour une personne ayant un ménage à sa charge.
La Cour analyse ensuite plus en profondeur la connaissance d’une langue.
La méconnaissance d’une langue ne peut être qu’un obstacle temporaire pour
trouver un emploi : elle ne peut pas être invoquée trop longtemps. De
plus, il ne suffit pas de suivre des cours de langue. Dans l’optique d’une
intégration, on est en droit d’attendre de plus grands efforts. Par
exemple parler le plus possible en néerlandais ; lire des journaux ou des
livres en néerlandais ; regarder des émissions de télévision en
néerlandais.
Tout cela n’est pas démontré par le couple, selon la Cour. Le mari
séjourne en Belgique depuis 2000. Il devrait dès lors connaître la langue.
De plus, cela ne l’a pas empêché de travailler, quoique de manière
illégale, pendant les sept premières années. La femme séjourne
officiellement en Belgique depuis 2006. On pouvait attendre de sa part
qu’elle essaie de suivre des cours de langue le plus tôt possible après
son arrivée. Le fait qu’elle n’ait pas pu faire garder ses enfants est une
excuse que la Cour n’accepte pas puisque le mari sans emploi pouvait
assurer cette tâche. Ce n’est qu’en 2009 qu’elle s’est inscrite à quelques
heures de cours par semaine. Le mari ne s’est inscrit à un cours de langue
qu’en 2008. Selon la Cour, la femme n’a pas apporté la moindre preuve
qu’elle a recherché du travail pendant la période litigieuse. La Cour fait
le même constat pour le mari. Il ne suffit pas d’attendre passivement que
d’autres cherchent un emploi pour lui.
Signification dans un contexte plus
général
L’affaire démontre que la notion de
‘disposition à travailler’ peut faire l’objet d’interprétations fort
divergentes.
Texte intégral de
la décision
Références
Sur le sujet voy :
*BOUQUELLE, F. & LAMBILLON, P., “La disposition au travail” dans MORMONT,
H. & STANGHERLIN, K. (eds.), Aide sociale – Intégration sociale,
Bruxelles, La Charte, 2011, 318-343.
Mots clés
Intégration sociale; Revenu d’intégration;
Disposition à travailler;
Connaissance de la langue
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