Faits
Une mère célibataire connaît un accouchement difficile dont elle garde des séquelles. Dès la naissance, en 2004, elle et son nourrisson sont pris en charge par les services sociaux et bénéficient ensuite d’une place dans un lieu d’accueil. En 2007, ayant trouvé un emploi, la mère confie l’enfant à une famille d’accueil pendant la journée. Lorsque cette famille décide de ne plus accueillir l’enfant, la mère le fait garder par des voisins. Informés de cette situation, les services sociaux obtiennent d’un tribunal que l’enfant soit placé dans une famille d’accueil. La mère se voit d’abord reconnaître un droit de visite d’une heure tous les quinze jours. Ce droit lui est ensuite retiré au motif que l’enfant est perturbé par ces visites. En 2009, un tribunal ordonne une expertise relative à la situation de la mère. Celle-ci conclut que la mère est incapable de s’occuper de l’enfant en raison de problèmes médicaux causés par l’accouchement difficile qu’elle a connu. Sur cette base, le tribunal et ensuite la cour d’appel, décident d’une mesure d’adoption plénière de l’enfant par une famille.
La mère saisit la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit au respect de la vie familiale (art. 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme).
Décision
N’ayant pas déployé les efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la mère à vivre avec son enfant, l’Etat italien a violé le droit au respect de la vie familiale.
Motivation
La Cour rappelle d’abord qu’il faut toujours tenter de maintenir le lien entre l’enfant et ses parents et que ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que ce lien peut éventuellement être rompu. La Cour rappelle aussi que les Etats membres doivent aider les personnes en difficultés, les conseiller sur les divers types d’aide sociale et sur les dispositifs qui leur permettraient de surmonter leurs difficultés. Vis-à-vis des personnes vulnérables, une protection accrue est nécessaire.
Or, dans le cas d’espèce, la Cour constate que les pouvoirs publics italiens n’ont mis en place aucune mesure en vue de garantir le maintien du lien entre l’enfant et sa mère et n’ont jamais examiné les possibilités effectives d’une amélioration des capacités de la mère à s’occuper de son enfant.
Les tribunaux ont en outre opté pour une adoption ‘plénière’, et donc pas pour une adoption ‘simple’. Ils ont agi de cette façon parce que le droit italien ne prévoit pas ‘l’adoption simple’. Des tribunaux italiens ont cependant déjà prononcé, via une interprétation extensive de la loi, une ‘adoption simple’ dans des circonstances particulières, lorsque l’enfant n’était pas abandonné.
Signification dans un contexte plus général
Dans quelques autres affaires semblables, la Cour a conclu à la violation de l’article 8 CEDH. C’est le cas dans l’affaire Kutzner c. Allemagne, dans laquelle les tribunaux ont retiré l’autorité parentale aux requérants, après avoir constaté une carence émotionnelle chez eux. La Cour a également conclu à la violation dans l’affaire Saviny c. Ukraine, dans laquelle les autorités nationales ont justifié le placement des enfants par l’incapacité des requérants à leur assurer des conditions de vie adéquates et par le fait que le manque de moyens financiers et les qualités personnelles des requérants mettaient en péril la vie, la santé et l’éducation morale de leurs enfants.
La Cour a par contre conclu à la non-violation de l’article 8 dans l’affaire Aune c. Norvège, dans laquelle l’adoption d’un mineur d’âge n’empêchait pas la requérante de maintenir un lien personnel avec l’enfant. De même, la Cour a conclu à la non-violation dans l’affaire Couillard Maugery c. France , dans laquelle le lien entre parents et enfants n’a pas été rompu après le placement des enfants au motif de la fragilité psychique de la requérante.
Références
Résumé: http://www.echr.coe.int/Documents/CLIN_2014_01_170_ENG.pdf (p15)
Saviny c. Ukraine: ici
Kutzner c. Allemagne: http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-60163
Aune c. Norvège: http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-101458
Couillard Maugery c. France: http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-66433
Mots clés
Protection de la vie famille ; Article 8 CEDH (Droit au respect de la vie privée et familiale) ; Placement d’un enfant ; Adoption