Faits
Une intercommunale de distribution d’eau assigne en justice un consommateur pour obtenir le paiement des factures de consommation d’eau impayées. L’intercommunale souhaite y inclure le montant d’une clause pénale équivalent à 10% du montant total dû, en guise de sanction du retard de paiement.
Décision
Le juge déclare que seules les factures en principal majorées des intérêts au taux légal sont dues.
Il déclare non fondée la demande de coupure d’eau.
Motivation
L’intercommunale soutient que cette clause figure dans les conditions générales du contrat de fourniture mais elle ne les présente pas, elle présente uniquement les factures au dos desquelles figurent ces conditions générales.
Le juge estime que de telles conditions ne pourraient s’appliquer que lorsqu’elles ont été convenues lors de la conclusion du contrat. Le seul fait qu’elles figurent sur l’ensemble des factures adressées au consommateur ne suffit pas à les faire entrer dans le champ contractuel. Par conséquent, elles n’ont pas d’effet pour le consommateur.
Par ailleurs, puisqu’il s’agit d’un domaine où aucune négociation n’est possible entre le fournisseur et le consommateur, seules les conditions de recouvrement prévues par la loi sont applicables, et l’intercommunale ne peut aller à l’encontre de la loi. Or, la loi ne prévoit aucune clause pénale et seuls les intérêts au taux légal sont permis. C’est pourquoi le juge décide que seules les factures majorées des intérêts au taux légal sont dues.
Par ailleurs, la demande de coupure d’eau n’est pas fondée car l’intercommunale n’a pas procédé aux rappels nécessaires conformément aux dispositions légales prévues.
Le juge cite les modalités de paiement établies dans le Code de l’eau1 :
- En cas de non-paiement, le fournisseur a le droit de procéder au recouvrement des montants impayés, en respectant les procédures fixées par le Gouvernement wallon ;
- En cas de difficulté de paiement, les consommateurs qui ont droit à l’aide sociale peuvent bénéficier d’un tarif social.
Le juge rappelle également les règles qu’édicte le Règlement général de distribution d’eau en Région wallonne2 :
- Les factures doivent être payées à la date indiquée sur la facture. Le consommateur bénéficie d’un délai d’au moins 15 jours.
- En cas de non-paiement dans ce délai, une lettre de rappel est envoyée au consommateur. Le rappel indique la possibilité pour le consommateur de bénéficier de l’intervention du fonds social d’eau, ainsi qu’un nouveau délai de paiement. Les frais d’envoi du rappel sont de 4 euros et sont mis à charge du consommateur.
- En cas de non-paiement de la facture à l’expiration du délai fixé dans le rappel, le distributeur procède à la mise en demeure du consommateur et fixe un nouveau délai de paiement de minimum 5 jours. Les frais de cette procédure sont mis à charge du consommateur. La mise en demeure rappelle à nouveau la possibilité pour le consommateur de bénéficier de l’intervention du fonds social par l’intermédiaire du CPAS, le consommateur peut demander à ce que ses coordonnées ne figurent pas sur les listes transmises au CPAS.
- Si le défaut de paiement persiste, les sommes dues peuvent être augmentées automatiquement.
Signification dans un contexte plus général
Lorsque le fournisseur conclut un contrat avec un consommateur, on parle de contrat d’adhésion. Cela signifie qu’une partie des règles qui encadrent la relation consommateur/fournisseur sont prédéfinies par le fournisseur. Le contrat prend la forme des conditions générales. Le consommateur ne peut pas négocier des conditions et est obligé de les accepter s’il veut conclure le contrat. Pour que les conditions générales puissent s’appliquer, il faut qu’elles remplissent deux conditions :
- Le consommateur doit avoir eu la possibilité de prendre connaissance des conditions générales avant de conclure le contrat et
- Il doit les avoir acceptées.
Même si le consommateur n’a pas pris le temps de lire ces conditions générales, elles s’appliquent dès que les deux conditions sont remplies.
Dans la plupart des décisions, les juges écartent les conditions générales si le fournisseur ne prouve pas que les deux conditions présentées ci-dessus sont remplies. Ainsi, le juge de paix du second canton de Wavre écarte les majorations de retard prévues par les conditions générales d’un fournisseur.3 Il considère que le contrat présenté en justice par le fournisseur ne permet pas de savoir si les conditions générales en font partie intégrante, ou si elles apparaissent sur les factures. Le juge de paix de Fontaine-l’Evêque écarte les conditions générales qui apparaissent uniquement derrière le bon de livraison signé par le consommateur, aucun note au recto ne permet de savoir que les conditions générales se trouvent au verso.4
Texte intégral de la décision
Références
1 Articles D.232 et D.241 Code de l’eau, et art. 237
2 Articles 39, 40, 41 et 42 du Règlement général de distribution d’eau en Région wallonne
3 J. P. Wavre, (2ème cant.), 29 juin 2010, R.G. 9A 950 ; Dans le même sens, Civ. Huy, 2 novembre 2011, R.G. 11 287A.
4 J. P. Fontaine L’Evêque, 18 janvier 2007, J.L.M.B., 2007, p. 1362 et s.
* S. Quintart, M. Charles et H. Marot, « Energie info Wallonie. Eclairez vos droits ! », 2016, p.11 à 13.
Mots clés
Eau ; Dettes ; Coupure d’eau ; Clause pénale ; Code de l’Eeau (Région wallonne)